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PÉROUSE, ROME.

Contre la petite église gothique des Carmélites de S. Maria [a] près d’Arezzo (devant la Porta Romana, à un quart de lieue à gauche), a été construit un grand vestibule de style florentin, qui compte parmi les plus pittoresques en ce genre ; sept arcs en avant, deux de chaque côté, et deux qui à droite et à gauche se rattachent à la façade ; la corniche en couronne est d’une forme un peu arbitraire, il est vrai, avec son rebord de toit en pierre à saillie et décoré de rosettes. Les pendentifs sont occupés par des ornements peints (selon Vasari, par Benedetto da Majano).

À Cortone [b], il y a quelques façades très médiocres. La ville voisine de Montepulciano [c] paraît plus importante par ses constructions déjà nommées. À Monte Fiascone, et dans la gracieuse Viterbe ainsi qu’à Orvieto, je n’ai remarqué d’architecture Renaissance un peu importante[1].

À Pérouse, il faut citer, mais pour y revenir, la façade de la confrérie de S. Bernardino [d] (près de S. Francesco), due au florentin Agostino di Duccio (1461), œuvre remarquable surtout par ses figures. Il existe encore de lui, en collaboration avec Polidoro di Stefano, dans le beau style de la première Renaissance l’imposante Porta S. Pietro [e], à partir de 1473, où l’artiste a très heureusement emprunté le motif principal de la façade de S. Francesco à Rimini par L.-B. Alberti, sous la direction duquel il travailla longtemps. (La corniche principale manque.) Motifs de la Renaissance au Palazzo di Tribunali [f]. — Une maison de cette période, Borgo S. Pietro, 82.

Près de la cathédrale [g] de Narni, cette singulière basilique à arcs surbaissés, a été bâti en 1497 un portique gracieux. Le porche de la cathédrale [h] de Spolète est plus somptueux et de proportions plus élégantes : il y a cinq arcs sur piliers revêtus de sveltes colonnes ; aux deux extrémités il y a encore des chaires spéciales affectées aux sermons et à l’exhibition des reliques ; les balustres et les entablements sont riches et gracieux ; les arcs de la voûte reposent à l’intérieur sur des consoles. (L’œuvre est, non pas de Bramante, mais d’Ambrogio d’Antonio Milanese, et de Pipoo d’Antonio Fiorentino, à partir de 1491.)


À Rome, vers le temps où Brunellesco y dessinait les antiquités qu’elle contient, il n’y avait guère de vie artistique indigène. Le saint-siège, en reprenant, après le long schisme, sur les bords du Tibre sa place incontestée, y trouva non pas une bourgeoisie industrieuse et amie des arts, mais un peuple dégénéré et devenu barbare ; aussi tous les efforts intellectuels que la papauté nouvellement consolidée protège et favorise n’auront-ils pendant quelque temps que le caractère d’une œuvre instable de colonisation, marquée au coin de changements perpétuels.

L’on ne saurait nier davantage que la nouvelle architecture n’y fût

  1. Dans la Madonna della Quercia devant Viterbe [i], la porte du milieu tout au plus est peut-être de Bramante. La façade en rustique, le vestibule très original, le campanile et le plafond, forment un ensemble digne d’être vu. À côté, un cloître ravissant, dont le bas est gothique : en haut, une loggia, dans la manière d’Antonio da Sangallo l’ancien.