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PREMIÈRE RENAISSANCE.

et la situation oblique sur la Via del Falcone exigeaient ici une certaine ampleur de proportions ; l’ensemble de l’édifice a eu de plus à souffrir de l’exhaussement du sol. Avant, toute la voûte était ornée de caissons en relief, en stuc. Quand l’édifice ne fut plus suffisant, Bramante dut construire la nef actuelle. La Via del Falcone gênant l’ordonnance du chœur : le maître y pourvut, en donnant à l’intérieur au mur du fond une profondeur apparente à l’aide d’une perspective en relief. (Le même artifice se retrouve à l’Incoronata à Lodi.) Du reste, l’intérieur n’a pas été épargné par la décoration moderne. À l’extérieur, la façade du chœur est, à Milan, l’exemplaire le plus important de la manière de Bramante, déjà presque parfaitement souple, et les frises en terre cuite de l’intérieur, qui sortent des anciens moules, forment avec elle un sensible contraste. La façade en marbre du portail est moderne (le soubassement ancien a été conservé). La sacristie octogonale (adossée à l’église à droite) a en bas des niches, en haut une galerie et au milieu une frise avec des chérubins, et les célèbres têtes en médaillons du Caradosso. C’est une construction exquise, aujourd’hui bien restaurée, avec un jour venant d’en haut. De quatre années environ plus ancienne que la sacristie de S. Spirito [a] à Florence, la comparaison si souvent faite entre les deux octogones présente quelque difficulté. Si le détail de S. Spirito paraît plus pur, c’est que l’édifice lui-même est plus simple et d’une échelle plus grande. La sacristie de Bramante, en revanche, l’emporte par les proportions, la composition, la structure organique, et les rapports que le détail soutient avec ensemble.

Le second édifice où Bramante déploya le plus de richesse décorative dans le style, c’est le chœur, la coupole et le transept de S. Maria delle Grazie [b] à Milan. Seule, la moitié inférieure a été exécutée sans la direction de Bramante (1492-99) ; la composition de la partie supérieure lui appartient également, mais les proportions et le détail ont été mal rendus. L’intérieur a un revêtement moderne en plâtre, il n’a guère d’autre effet qu’une beauté générale d’aspect. À l’extérieur, au contraire, qui s’est bien conservé, le véritable esprit de la première Renaissance s’exprime dans toute sa charmante hardiesse. Sur un soubassement restreint (le transept sud ne pouvant empiéter sur la rue), Bramante voulait élever une coupole polygonale importante avec une légère galerie ouverte ; et il y prépare l’œil d’une manière charmante. Des encadrements, d’une gradation élégante, ornent les socles superposés et merveilleusement profilés du chœur et des transepts aux extrémités arrondies, derrière lesquelles se dressent les murs qui portent la coupole. La fine élégance des pilastres, des candélabres muraux, des corniches et des médaillons, pour la plupart en marbre ou en terre cuite, est sans égale ; les panneaux sont en briques. C’est ici qu’on apprend à connaître Bramante, par comparaison à Omodeo, qui, un an plus tôt, avait commencé la façade, singulièrement plus riche encore, de la Chartreuse de Pavie. L’entablement du portail est