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VÉRONE.

no 1828, la Casa Pigafetta [a], encore à demi gothique, quoique de l’an 1481, reconnaissable à la devise : « il n’est rose sans espine ». C’est un des plus gracieux monuments en ce genre, avec balcons à saillie en forme de trèfle, et consoles composées de feuillage, de griffons, de cornes d’abondance ; les fenêtres supérieures encadrées de candélabres, avec intervalles ornés d’arabesques ciselées. Dans une annexe du même temps, le mur est peint d’arabesques de couleur. Près du Ponte de’ Giangioli, un palais plus grand, dont la galerie inférieure, ouverte est aujourd’hui à demi enterrée pas l’exhaussement du sol. La maison no 1944 [b], avec la devise : « Omnia praetereunt, redeunt, nihil interit », est revêtue en bas d’une singulière ornementation en forme de treillis ; les proportions sont du reste excellentes. La petite maison no 1276 [c] est déjà de l’époque classique ; c’est une tentative très curieuse pour atteindre les formes monumentales même dans de petites dimensions. L’essai a été heureux pour la façade, mais non pour la petite cour.

Depuis lors jusqu’à Palladio se succède une série assez pauvre, il est vrai, mais presque ininterrompue, de constructions privées, plus ou moins importantes, qui sont comme le prélude de l’œuvre de maître.


Vérone était la patrie d’un des architectes les plus célèbres de la première Renaissance de Fra Giocondo (né en 1435, mort en 1515). Fra Giocondo travailla surtout à l’étranger ; il a pourtant laissé[1] dans sa patrie du moins un édifice important, le Palazzo del Consiglio [d] (sur la place de Signori, entrepris en 1476 ; les statues du couronnement furent achevées en 1493). Malgré une grande élégance, le palais est cependant d’une ordonnance moins heureuse que la Loggia del Consiglio à Padoue, qui est du même style ; il est divisé en quatre parties, de sorte qu’il y a un pilier au centre ; les frontons circulaires surbaissés des fenêtres supérieures touchent à la corniche ; les deux niches du milieu sont d’une disposition maladroite. C’est surtout dans le détail architectural (corniches, archivoltes, etc.) qu’il y a de la finesse et de la pureté ; il y en a moins dans la décoration proprement dite. Les traces des arabesques peintes décorant les surfaces murales étaient dans un état de conservation qui récemment a permis d’en faire une restauration très brillante. — Le beau portail de S. Maria della Scala [e] passe de même pour l’oeuvre de Fra Giocondo ; il y a encore d’autres attributions incertaines d’œuvres d’ailleurs peu importantes.

Parmi les palais privés de la première Renaissance, il n’y en a pas un seul dont l’architecture ait une réelle importance. Les Véronais y suppléaient en couvrant leurs façades de peintures, du haut en bas : nous en reparlerons plus loin.

  1. Les objections élevées quelquefois contre l’attribution à Fra Giocondo paraissent sans fondement.