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ŒUVRES DÉCORATIVES : VENISE, PADOUE.

À Venise, la riche, Venise qui avait sous la main les artistes de Bergame, la décoration sur bois n’est pas aussi bien représentée qu’on aurait pu s’y attendre. L’amour du luxe, d’abord, était un obstacle à la sculpture sur bois ; au lieu de boiseries, ce qu’on trouve, ce sont des revêtement de marbres précieux. Quant aux stalles d’église, elle sont généralement de date plus récente.

Celles des Frari [a], sculptées en 1468, par Marco da Vicenza, sans être très anciennes, sont cependant encore à demi gothiques, avec feuillage hardiment ajouré, frontons élancés et pinacles. Les demi-figures en relief des dossiers sont plus importantes que les marqueteries au-dessous (vues d’architecture, etc.). Les lignes inclinées des sièges et des dossiers, qui rendent le siège plus confortable, sont aussi d’un effet architectural très heureux. — De même style, mais plus simples : les stalles d’une grande chapelle latérale, à limite, à S. Zaccaria [b] ; et les stalles du chœur de S. Stefano [c]. — Un beau siège sculpté du doge, de 1500 à peu près, dans le trésor de Saint-Marc [d].

La boiserie et les armoires de la sacristie de Saint-Marc [e] est été exécutées, à partir de 1520, par Antonio et Paolo da Mantova, et Vicenzo da Verona, entre autres, avec encadrements sculptés et des marqueteries. Ces dernières représentent : en bas, l’intérieur des armoires, en haut, des vues de villes, avec les miracles de saint Marc ; bonnes compositions, d’une exécution soignée, qui ne sont pas à comparer cependant avec les stalles de Damiano. On voit de belles arabesques incrustées, de la bonne époque, sur la boiserie du chœur de Saint-Marc [f] (du côté de la nef).

À l’avénement du style baroque, la préférence est pour les scènes sculptées ou les bustes avec ornements exubérants. Telles sont les stalles du chœur de S. Giorgio Maggiore [g] par le Hollandais « Alberto di Brule », la boiserie, plus récente encore, de la chapelle du Rosaire, celle de S. Giovanni e Paolo [h] (nef latérale gauche), celle de la Scuola di S. Rocco [i] (salles supérieures), celle du chœur du Carmine [j], etc. Malgré un grand luxe et une exécution souvent raffinée des figures, la décoration, on le sent, n’a pas été faite « con amore », comme si elle n’était guère qu’un accessoire. À S. Maria della Salute [k], un bon travail de stalles, de la dernière époque de la Renaissance.

Venise, par contre, offre une quantité de plafonds sculptés de la première Renaissance, dont on chercherait vraiment ailleurs un pareil assemblage. Appliquée, non plus à des édifices sacré, mais à des palais, la décoration était tenue à moins de sévérité architecturale, et pouvait se donner librement carrière. Aussi n’est-ce point l’encadrement et la division en compartiments qui l’emporte, mais l’ornementation proprement dite ; ce n’est plus le caisson, mais la rosace, en forme d’écu, de fleur, etc., — le tout avec un grand luxe, généralement or sur fond bleu. Il y a deux plafonds de ce genre dans les chambres du Palais des Doges [l]