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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

critique ; c’est encore, et en particulier, de tout ce qu’elle en efface que résulte l’infériorité de la version comparée à l’original. Quand, par exemple, les Chinois désignent un ouvrage buddhique comme traduit de la langue fan, c’est-à-dire, ainsi que l’a reconnu M. A. Rémusat, de la langue de Brahmâ[1], ils nous apprennent sans doute que le texte original a été écrit dans une langue indienne quelconque ; mais ils ne nous disent pas quelle est cette langue. Et comme ils ont pu traduire bien des livres sur des originaux pâlis, et que le pâli est aussi bien une langue indienne que le sanscrit, il arrive que la dénomination de langue fan, tout en exprimant un fait vrai, supprime la distinction qui permettrait de saisir, sous ce fait, un autre fait secondaire, qui n’a pas moins d’importance que le premier, mais qui reste dans une obscurité profonde, savoir si le texte était sanscrit ou pâli. Cet inconvénient, qui a déjà été signalé[2], et dont il est facile de pressentir l’effet, puisqu’il est historiquement nécessaire de savoir à quelle source a été puisé un ouvrage donné, doit avoir des conséquences assez graves quand il s’agit de certains textes qui sont composés du mélange de divers styles, et souvent même de plusieurs dialectes ; car en revêtant d’une couleur uniforme un ouvrage dont les diverses parties portent la trace d’origines diverses, la traduction fait disparaître le seul indice auquel la critique puisse reconnaître l’authenticité, ou même l’âge et la patrie de l’ouvrage. Il me suffit d’indiquer cette observation, dont je n’ai pas les moyens de déterminer toute la portée en ce qui touche les traductions chinoises et mongoles. Il est cependant un livre au moins, dans la collection du Népâl, qui justifie ces remarques et permet de conjecturer que les traducteurs tibétains n’ont pas toujours rendu fidèlement certains traits de l’original, qui constituent un des caractères les plus curieux et les plus neufs du texte primitif.

Cet ouvrage est intitulé Saddharma puṇḍarîka, ou « le Lotus blanc de la bonne loi ; » il fait partie des neuf Dharmas, ou livres réputés canoniques par les Buddhistes du Népâl. Il se compose de deux parties distinctes, ou à vrai dire de deux rédactions, l’une en prose, et l’autre en vers. La seconde ne fait en général que reproduire le fond de la première, avec les différences qu’entraîne nécessairement l’exposition poétique. Ces deux rédactions sont entremêlées l’une à l’autre, de telle sorte que quand un récit ou un discours a été exposé en prose, il est de nouveau repris en vers, tantôt d’une manière abrégée, tantôt avec des développements qui ajoutent peu de choses à la première rédaction. Ce genre de composition, qui ne rappelle que par le mélange de la prose et des

  1. Mélanges Asiat., t. II, p. 242. Nouv. Journ. Asiat., t. VII, p. 298 et 299. Foe koue ki, p. 15.
  2. Abel Rémusat, Foe koue ki, p. 14, note 9.