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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/22

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me soustraire de dessous ses yeux, ne pouvant vivre éloignée de mon oncle. — Je ne prétends pas l’éloigner, ma reine, reprit le Roi ; mais s’il étoit à mon pouvoir d’être avec vous comme avec lui, je serois au dernier période de ma joie. — Vous êtes, Sire, son maître, comme j’ai l’honneur d’être votre soumise et respectueuse servante, lui dit-elle. Si Votre Majesté a pour moi quelques bontés, il conservera au Cardinal celle dont il a besoin pour régir ses États dans la manière qu’il convient ; si elle étoit dans un âge plus avancé ou qu’elle pût régner sans secours, je lui passerois tous ces sentiments, et me flatterois, par mon respectueux attachement pour elle, de devenir aussi contente que je suis malheureuse, étant à la veille d’épouser un homme que, sans le connoître, je ne puis souffrir. — Que me dites-vous, Mademoiselle ? Vous m’accablez. — Ce que j’ai l’honneur d’exposer à Votre Majesté est, repartit-elle ; et cela est si vrai, Sire, que, pour dissiper le chagrin que m’en a donné la nouvelle, je suis venue ici avec l’une de mes filles en qui j’ai le plus de confiance, afin qu’avec elle je puisse me consoler du malheur qui me suit. — Rassurez-vous, dit le roi ; dans ce moment j’y mettrai ordre, et, pour que vous n’en doutiez pas, je vous quitte aussi pénétré de douleur que vous me paroissez l’être. » Comme il étoit aux adieux, sa cour vint le rejoindre, dans le nombre de laquelle il entra sans considérer aucun de ceux qui l’accompagnoient. Il rentra avec elle au château, et s’enferma dans son cabinet après avoir donné ses ordres pour qu’on fût chercher le Cardinal de sa part.