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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/23

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D’un autre côté, mademoiselle de Mancini, qui étoit fort sage [1], s’étoit retirée bien contente de sa rencontre. Le Cardinal ne fut pas plutôt venu que le Roi lui dit d’un ton haut : « Vous ne me dites pas tout, monsieur le Cardinal ; vous avez une nièce aimable, qui est un des ouvrages parachevés [2] du seigneur, morceau conséquemment qui me convient, et vous pensez à la marier à un homme qu’elle ne peut souffrir, sans m’en parler ! — De qui Votre Majesté tient-elle cette nouvelle ? demanda le Cardinal. — D’elle-même, reprit le Roi brusquement, et j’entends qu’il n’en soit plus fait mention, sinon vous encourrez le risque de ma haine. Pensez-y une fois pour toutes, monsieur le Cardinal. » Et il lui tourna le dos.

Le pauvre Cardinal, qui tomba de son haut de voir le Roi parler pour la première fois si affirmativement, se retira tout confus. Le Roi ordonna à toute sa cour de le laisser seul, et, comme chacun eût marché sur les traces de Son Éminence, Sa Majesté jugea à propos d’écrire en ces termes à mademoiselle de Mancini, qui pensa en mourir de joie :

  1. Sage, est-ce ambitieuse ? Écoutons madame de Motteville : « On a toujours cru que cette passion (de mademoiselle de Mancini) avoit été accompagnée de tant de sagesse, ou plutôt de tant d’ambition, qu’elle s’y étoit engagée sans crainte d’elle-même, étant assurée de la vertu du roi, et, si elle en doutoit, ce doute ne lui faisoit pas de peur. » (Mém. de Mottev., Amst., 1723, IV, p. 524.).
  2. Parachevé, pour parfait ; affirmativement, qu’on trouvera quelques lignes plus bas pour fermement ; enfin, diligentez-vous, à la page suivante ; et cent autres, que nous n’indiquerons plus, voilà de ces mots qui, comme nous le disions dans notre première note, trahissent à n’en pas douter la plume d’un étranger.