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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/232

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doublement heureux d’avoir quelque part dans votre estime ! Oui, Mademoiselle, puisque Votre Altesse Royale a eu la bonté de m’annoncer un si grand bonheur, souffrez, de grâce, que je me laisse transporter aux doux transports que me cause la joie que je ressens, et que mon âme vous fasse connoître par quelque puissant effort l’extase dans laquelle vos dernières paroles l’ont mise : car, s’il est vrai, comme il n’en faut point douter, que votre âme soit sincère, n’ai-je pas raison de m’estimer le plus fortuné de tous les hommes ? Et qu’est-ce que je pourrois faire pour reconnoître tant d’obligations que j’ai à Votre Altesse Royale, puisque je suis assez malheureux pour ne pouvoir donner que des souhaits, mais des souhaits inutiles, qui ne pourront jamais m’acquitter de la moindre de vos bontés ? — Je ne vous demande rien, lui dit Mademoiselle, sinon la continuation de ces mêmes souhaits, et l’exécution, si l’occasion s’en présente. — Oui, Mademoiselle, répondit monsieur de Lauzun, je souhaiterai, j’entreprendrai et j’exécuterai tout pour le service de Votre Altesse Royale jusqu’au dernier soupir. »

Voilà une belle avance pour notre nouvel amant, et, à mon avis, jamais il ne conduisit une entreprise si douteuse et si hardie avec tant de

    trouver les vers que je vais mettre ici ; je les appris par cœur :

    Quand les ordres du ciel nous ont faits l’un pour l’autre,
    Lyse, c’est un accord bientôt fait que le nôtre… »
    (Mém., édit. citée, VI, 32-34.)
    Les vers de Corneille cités ici sont tirés de La suite du menteur, acte IV, sc. 1re.