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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/34

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traverser deux cœurs qui s’aiment, continua-t-il en regardant le Roi et sa nièce, je ferai de mon mieux pour satisfaire l’un et l’autre. »

Mademoiselle de Mancini, qui étoit bien aise de cette occasion pour parler et faire connoître au Roi qu’elle avoit tout lieu de craindre son mariage avec l’Infante, dit au Cardinal : « Vous êtes Italien, vous nous faites bonne mine et mauvais jeu. » Le Roi, qui ne vouloit pas rester en chemin, prit la parole pour dire qu’il ne croyoit pas que monsieur le Cardinal le voulût tromper. Elle, voyant qu’il ne disoit pas cela d’un ton assuré, dit : « Si Votre Majesté m’a parlé sincèrement de son amour, comme je le crois, elle ne doit point douter que mon oncle travaille à la marier avec l’Infante ; et puisque, autorisée (regardant le roi) de vos bontés, je dois faire la guerre à mon oncle sur son peu de sentiment pour moi, et comme nous sommes à même de parler ouvertement, je veux qu’il nous instruise de tout ce qui se passe à mon préjudice. — Je l’entends de même, Mademoiselle, répartit le Roi, et je veux comme vous, puisque nous y sommes, que monsieur le Cardinal sçache que je vous aime si bien qu’à cette heure, et devant lui et ma cour ci-présente, je vous engage ma foi. Et vous, monsieur le Cardinal, ne vous opposez point à mon plaisir non plus qu’à mes volontés ; et, s’il est vrai que votre sentiment est que j’épouse l’Infante d’Espagne, le mien est de n’en rien faire. Ainsi, arrangez-vous avec la Reine ma mère comme vous le jugerez à propos pour rompre ce que vous avez commencé, et pour me mettre en état d’épouser mademoiselle de Mancini avant un mois.