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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/443

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souhaitoit que son mari ne revînt pas si tôt, par des raisons fortes et que je rapporterai succinctement. Comme elle avoit reconnu que c’étoit inutilement qu’elle avoit prétendu à la conquête du fils du grand Alcandre, elle s’étoit rabattue sur le premier venu, dont elle n’avoit point lieu du tout d’être contente. Quelqu’un lui avoit fait un fort méchant présent, et comme elle ne connoissoit rien à un certain mal qui l’incommodoit, elle prit le parti d’aller incognito chez un fameux chirurgien pour en être éclaircie. Y étant arrivée toute seule avec une chaise à porteurs, ce qui ne faisoit rien présumer de bon d’une femme de son air, elle lui exposa son affaire sans façon, lui disant qu’elle ressentoit depuis quelques jours quelques incommodités qui lui faisoient craindre que son mari, qui étoit un peu débauché, n’eût pas eu toute la considération qu’il étoit obligé d’avoir pour elle ; qu’elle le prioit d’examiner la chose et de lui en dire son sentiment. Et faisant en même temps exhibition de ses pièces, elle s’attendoit que le chirurgien alloit du moins se montrer pitoyable [1] en entrant dans ses intérêts ; mais celui-ci, étant accoutumé tous les jours à entendre rejeter sur les pauvres maris des choses dont ils sont le plus souvent innocens, il lui dit qu’il étoit tant rebattu de ces sortes de contes, qu’il ne pouvoit plus avoir de complaisance pour celles qui les lui faisoient ; que sans se mettre davantage en peine d’accuser son mari, elle songeât seulement à se faire

  1. Sensible. Nous n’avons plus ce mot que dans le sens de « digne de pitié. »