Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/162

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ses épîtres, vainement on chercherait des indices de déséquilibre, sauf quand il se livre à des digressions qui ont trait à son salut éternel. C’est que sa folie était nettement localisée : en dehors de l’idée religieuse, il ne présenta jamais de délire.

S’il garda toujours l’intégrité du jugement, pour tout ce qui touchait à la vie matérielle, il commençait à divaguer dès qu’il s’agissait de sa vie religieuse. Il se pliait à tous les ordres, à toutes les pratiques que lui indiquait le directeur de conscience dont il avait fait choix, à la mort du révérend Newton. Il lui faisait part des hallucinations qu’il éprouvait, des rêves qui peuplaient son sommeil ; il le priait d’intercéder auprès de Dieu pour qu’il lui pardonnât ses égarements ou ses fautes ; mais dès que celui qui croyait avoir gagné sa confiance lui proposait de le défendre contre les critiques, le poète lui enjoignait de s’en tenir à son rôle, de le laisser seul se soucier de sa gloire littéraire, ne lui abandonnant en toute propriété que le soin de son âme.

On reconnaît là tous les caractères de la folie mystique, et sinon exclusivement, plus spécialement mystique. Son esprit n’avait perdu le contrôle que des faits se rattachant à la religion. Il ne déraisonnait que s’il abordait le sujet de l’au-delà. Cet homme qui, dans ses intervalles de lucidité, était le plus plaisant des humoristes, devenait, lorsqu’il