Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/199

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des premières notes qui frappèrent ses oreilles, tout son être avait tressailli : sous l’impression d’une sorte de volupté douloureuse, des larmes avaient rempli ses yeux. On crut d’abord que Fritz ressentait une aversion native pour la musique ; on vit bientôt que les pleurs de l’enfant n’étaient que le trop plein d’une émotion qu’il ne pouvait exprimer. Lorsque sa mère l’emportait pour calmer ses crises, sur la cause desquelles elle se méprenait, Fritz la regardait, suppliant, et ses petits bras tendus désignaient l’instrument ouvert.

Une nuit sa bonne le vit soudain quitter son lit et se diriger, pieds nus, vers le salon, n’ayant que sa chemise pour tout vêtement. Elle le suivit, prise de curiosité, et quelle ne fut pas sa stupeur en entendant Fritz exécuter tour à tour les airs de danse que jouait sa mère ! La servante courut éveiller ses maîtres ; car, selon elle, l’enfant était possédé.

Immobiles, dans l’embrasure de la porte, les parents, émus, enthousiasmés, écoutaient. L’enfant semblait comme en extase : la mère s’approcha doucement, et prétextant le froid de la nuit, le persuada de remettre au lendemain la suite ; loin de le gronder, elle le pressait avec effusion dans ses bras et le couvrait de caresses : c’est qu’elle comprenait combien il fallait user de ménagements avec une nature si sensible.