Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/265

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le perdent pas de vue, lui adressant comme un muet reproche d’avoir renoncé au labeur qui fait la dignité, l’honneur de l’existence. Il voit partout ces yeux le poursuivre, même pendant le sommeil, et il finit par devenir fou.

Dans le Manteau, c’est d’un vieux petit employé qu’il s’agit ; attaché à son administration depuis si longtemps, que « tous les directeurs et chefs de service qui se sont succédé l’ont vu toujours à la même place, dans la même situation, appliqué au même travail, avec le même titre, en sorte qu’on pouvait croire qu’il était venu au monde avec son front chauve et son petit uniforme ». Nulle part on n’eût pu rencontrer employé plus appliqué à sa tâche que le pauvre Akakii.

« Il travaillait non seulement avec zèle, mais avec amour… La joie qu’il éprouvait à copier se reflétait sur son visage. Il y avait certains caractères qu’il se plaisait surtout à tracer. Quand il en venait à ce détail favori de calligraphie, on le voyait sourire, cligner des yeux, pincer des lèvres, de telle sorte que ceux qui le connaissaient pouvaient lire sur sa physionomie la lettre qu’il dessinait. »

Tout à sa manie, rien ne l’attirait dans le monde ; ni bals, ni concerts, ni théâtres, ne le tentaient. « Après s’être délecté à écrire, il se couchait en pensant aux joies du lendemain, aux