Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/340

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Au cours de la seconde moitié de l’année 1889, alors qu’il écrivait les Frères Karamazoff, il était extraordinairement maigre et épuisé. Il ne vivait que par les nerfs ; tout le reste de son corps était parvenu à un tel degré de fragilité que le premier petit choc pouvait le briser. Une chose encore plus étonnante, c’était son endurance en face du labeur intellectuel à mesure que le travail lui devenait de plus en plus difficile[1].

Ces quelques lignes préliminaires suffiront à établir que la maladie dont Dostoïevsky offrit les symptômes, influa sur toute son existence ; mais, afin de le mieux connaître, nous devons pénétrer plus avant dans l’étude de cet état pathologique, sans lequel sa psychologie et la nature même de son génie risqueraient de rester d’indéchiffrables énigmes.

Si l’influence du milieu n’est pas un vain mot, il faut tout d’abord noter que Dostoïevsky, né dans un hôpital pour les pauvres, dont son père était le médecin, eut, dès sa prime enfance, le spectacle de la souffrance et de la misère.

Le logement de ses parents était des plus modestes : les chambres étaient petites, séparées

  1. D. Merejkowsky, Tolstoï et Dostoïevsky ; la personne et l’œuvre ; Paris, 1903.