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DISCOURS DE M. CHAUMIÉ

Qu’importe que l’idéal entrevu soit souvent inaccessible ? Qui a cherché à l’atteindre a monté.

Le rêve irréalisé n’en garde pas moins sa beauté ; l’effort, son utilité et sa noblesse.

Zola, d’ailleurs, était l’homme de son œuvre. Dès qu’une cause lui sembla juste, braver pour la défendre les colères irraisonnées ou perfides, subir les outrages furieux, les haines injustes, les abandons les plus douloureux, lui parut un impérieux devoir. Aucun sacrifice ne lui coûta pour répondre au cri de sa conscience.

Déjà les clameurs s’éteignaient, les intentions travesties ou calomniées apparaissaient aux yeux de tous dans leur véritable jour.

La mort, apportant avec elle l’apaisement et la sérénité, a hâté l’heure définitive de la justice. Tous ceux dont l’âme est vraiment haute, quel qu’ait été jusque-là leur parti dans la lutte, se sont inclinés devant ce cercueil.

Les petits, les malheureux, les déshérités, sur la souffrance desquels Zola a penché son observation attentive et sa pitié, sentant qu’ils ont perdu un ami, mêlent leur reconnaissance et leur deuil au deuil, à l’admiration de ceux qui pleurent l’immense perte faite par les lettres, et c’est ainsi que suivi d’un cortège grandiose, au milieu des hommages, laissant derrière lui un nom glorieux et des pages impérissables, le maître écrivain entre dans la tombe.