Page:Cahiers de la Quinzaine, 4e série, n°5, 1902.djvu/34

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de la vie et de la foi, l’ébauche des rénovations sociales. Il est sans doute permis de dire qu’il s’y montre moins à son aise que dans les cyniques et fortes peintures de la bourgeoisie impériale. L’effort demeure infiniment noble, le résultat est rudimentaire. Ne nous laissons pas éblouir par l’éloge pompeux : « œuvres socialistes ». Ou le socialisme est un leurre, une fiction agréable, ou c’est un système précis. Zola, sur ce point, n’a rien qui m’éclaire. Il se contente d’édifier un paradis problématique. Nous sommes tous socialistes à ce prix. Il est dangereux, il est même improbe — je parle pour nous qui suivons — de se contenter en pareil cas de généreuses équivoques. Charles Guieysse le disait l’autre jour, avec une irrévérence qui me plaît : les rêves en prose ont du bon ; la comptabilité aussi. Et, d’abord, il faudrait s’entendre… Inutile, ici, d’insister. Mais puisque France, avec raison, rapproche Zola de Tolstoï, je veux dire que la Cité d’Amour édifiée par le vieux mystique slave — dont je ne partage pas les doctrines — me paraît tout de même autrement sublime, autrement réelle et vivante que les Évangiles fumeux et grandiloquents de Zola. Je crois qu’elle sera plus chère à la conscience de l’avenir.

Au total, et malgré ces réserves, une puissance indéniable. L’auteur de Germinal vivra… Il n’a pas connu l’art suprême de créer à son image des âmes d’hommes, secret de quelques demi-dieux. La notion de beauté est absente de son épopée matérielle. Il n’a pas suscité de héros. Mais il a aimé, célébré les aspects de la terre adorable, il a fait mouvoir en ombres tragiques les masses anonymes des foules. La Foule a été son héros, en elle il a mis tout l’espoir, toutes les chaleurs d’enthousiasme qu’il déniait à l’individu. C’est assez pour