Page:Cahiers de la Quinzaine - 8e série, numéros 1 à 3, 1906.djvu/234

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caine ; sous un gouvernement réactionnaire ils seraient contraints, plus brutalement encore, d’enseigner au peuple une histoire de défense réactionnaire. Et quand même ils auraient la liberté politique et sociale d’enseigner une histoire simplement historique, il n’est point prouvé que, sauf de rares et très honorables exceptions, ils en auraient le goût ; l’autre liberté, la plus importante, la liberté intérieure, la liberté de l’esprit ; l’enseignement primaire demande une telle force d’affirmation, ne fût-ce que pour maintenir parmi les élèves la plus élémentaire discipline, et la science historique demande au contraire une telle force d’hésitation permanente qu’il faudrait un perpétuel miracle pour que le même esprit pût tenir à la fois ces deux attitudes.

Contrairement à ce que l’on croit généralement, c’est dans l’enseignement secondaire, et non pas dans l’enseignement supérieur, qu’il y a aujourd’hui, et les meilleurs historiens, et le plus de bons historiens. Si balancés que soient les secondaires entre les forces du primaire, qui les attirent par en bas, et les forces du supérieur, qui les attirent par en haut, entre la force d’affirmation du primaire et la force d’hésitation du supérieur, ils n’en tiennent pas moins un équilibre unique, par cela seul qu’ils mènent une vie modeste, pauvre, et qu’ils sont restés en un contact permanent avec les réalités de la vie départementale. Cette classe moyenne fait la force de la nation des historiens. C’est parmi eux que l’on trouve le plus d’historiens véritables, c’est-à-dire d’hommes qui recherchent passionnément la vérité des événements passés, particulièrement des événements humains, et qui le plus ordinairement la