Page:Cahiers de la Quinzaine - 8e série, numéros 1 à 3, 1906.djvu/245

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une analyse un peu poussée de cette méthode si singulière des inépuisables circumnavigations de Taine. À ce résultat nous avaient conduits beaucoup moins les procédés que certains aveux de Renan.

De tous les historiens modernes Renan était éminemment désigné pour apercevoir les immenses difficultés ou impossibilités métaphysiques ou physiques, humaines ou naturelles qui s’opposent à la constitution d’une science historique, moderne, ainsi entendue. Il n’était point de ces historiens qui ne méditent pas. On pourrait presque dire au contraire que la méditation était son état naturel, et en outre son état de prédilection. Qu’elle faisait le fond de sa nature et de sa vie mentale et sentimentale. Il était breton. Il avait été catholique. Il était de race catholique. Il était demeuré catholique et généralement chrétien un peu plus qu’il ne le croyait, beaucoup plus qu’il ne le disait, encore plus qu’il ne le laissait entendre, infiniment plus qu’on ne nous l’a dit depuis. Il était un homme de méditation. Il avait fait un assez long apprentissage de la vie sacerdotale. Or il n’était point homme à oublier un apprentissage. Il était au fond, et sous certaines apparences de gaieté, un homme de tristesse, de la salubre et toute salutaire tristesse. Toutes ces apparences de gaîté n’étaient pour sa tristesse que des revêtements de pudeur. Quelquefois presque impudiques. À défaut du don des larmes, il garda profondément, sous toutes les apparences, à travers tant d’insincérités, on oserait presque dire à travers toutes les insincérités, sous toutes les mondanités, il