Page:Cahiers de la Quinzaine - 8e série, numéros 1 à 3, 1906.djvu/254

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vient sa grande impopularité actuelle, surtout auprès de nos historiens. Mais un Renan, justement par ce qu’il a de discontinué, de décontenancé, de désarticulé, nous sera particulièrement utile dans nos recherches. Il nous sera comme une planche anatomique préparée d’avance.

Il faut bien se garder de confondre avec les génies véritables ces pseudo-génies qui ne font que nous en donner une représentation, une similitude, une image pour ainsi dire algébrique et intellectuelle, un symbole non équivalent. Les composés symbolisent avec les simples. Mais ils ne sont pas les simples. Il y a des compositions qui donnent l’illusion quelque temps et qui fournissent comme une symbolisation du génie ; mais elles ne sont pas le génie. Parce qu’on les voit tantôt qui sont d’un côté du point que nous avons reconnu et tantôt qui sont de l’autre, on croit naturellement qu’ils passent ce point comme ils veulent, comme les véritables génies, qu’ils se promènent, là précisément, à leur volonté, enfin que ce point n’existe pas pour eux non plus. Erreur grossière : ils ne passent jamais ce point ; mais tantôt ils sont d’un côté tantôt ils sont de l’autre, n’étant pas les mêmes hommes, et n’ayant pas de communication avec soi-même. Quand Renan est hanté de préoccupations métaphysiques, il n’est plus, il n’est pas un historien. Quand il s’adonne à ses occupations d’historien, il n’est plus, il n’est pas un philosophe. Ses occupations et ses préoccupations ne sont pas du même monde. Un Michelet au contraire n’est jamais discernable comme historien de ce qu’il est comme philosophe, ni comme philosophe de ce qu’il est comme historien. On ne peut jamais le prendre sur le fait. Il n’est jamais