Page:Cahiers de la Quinzaine - 8e série, numéros 1 à 3, 1906.djvu/255

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coupable. Il n’est jamais saisissable comme l’un ou comme l’autre. Son œuvre, en ce sens, défie toute analyse et se présente indissoluble.

C’est pour cela qu’un homme comme Renan nous apportera un concours presque uniquement précieux ; ses incessantes plaisanteries, si souvent immodestes, n’étaient pourtant là que pour la modestie, et comme un vêtement.

Leurs habits sont aisés à faire ; car, en ce doux climat, on ne porte qu’une pièce d’étoffe fine et légère, qui n’est point taillée, et que chacun met à longs plis autour de son corps pour la modestie, lui donnant la forme qu’il veut : c’est, donnée par Fénelon, ce Renan du dix-septième siècle, une exacte définition de notre Renan. Tant de mondanités, tant de faiblesses, tant de concessions au siècle n’étaient qu’un revêtement. Et le souci métaphysique était dans l’organisme même.

Nulle part ce souci dans Renan n’apparaît autant que dans ce livre singulier, singulièrement copieux, unique de forme et de teneur dans toute son œuvre, qu’il a lui-même intitulé l’Avenir de la Science (pensées de 1848). Testament avant la vie, peut-être les plus sincères de tous, testament au seuil de sa vie d’homme : c’est lui qui nous le dit : Hoc nunc os ex ossibus meis et caro de carne mea. Témoignage d’avant la vie, pour être publié après sa mort, publié à l’achèvement de sa vie, parce que la vie se faisait longue, parce que la mort tardait à