Page:Cahiers de la Quinzaine - 8e série, numéros 1 à 3, 1906.djvu/259

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passera, elle est déjà passée pour sa plus grande part. Mais ses préoccupations ne passeront point. Que lisons-nous de lui aujourd’hui, sinon, aux deux extrémités de sa vie, les ouvrages où il nous laisse quelque peu voir, très peu, de son arrière-pensée métaphysique. Nous ne lisons point cet entre-deux, ce travail d’historien, ce labeur énorme, dit-on, qui pour ainsi dire meubla tout l’intermédiaire de sa vie ; mais nous lisons, nous relisons les philosophies du commencement et les philosophies de la fin, les deux extrémités de la vie. Ici encore, dans cet ordre aussi, les deux extrémités se joignent par dessus l’immense plateau moyen, par dessus toute la plaine intermédiaire.

Et l’on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,
Mais dans l’œil du vieillard on voit de la lumière.

On ne voit plus rien du tout dans l’immense et intermédiaire maturité ; nous ne lisons plus ces longues élaborations scientifiques ; ou si nous les lisons, si nous les parcourons, c’est encore par un arrière-souci, par une arrière curiosité métaphysique et religieuse, avec une arrière-pensée nous-mêmes, pour y chercher, pour y retrouver de loin en loin ces quelques affleurements, ces quelques bouillonnements des sources métaphysiques profondes. Ce que nous lisons, ce sont les métaphysiques initiales et les métaphysiques finales, cet Avenir de la Science, et ces Dialogues et fragments et poèmes ou drames philosophiques, certitudes, probabilités, rêves. Parce que nous sentons bien que c’est là, réellement, qu’est la pensée. Au moins ce qu’il veut bien nous en laisser voir.