Page:Cahiers de la quinzaine, série 13, cahier 8, 1911.djvu/48

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assassins pareils à des conquérants, ses lâches, ses vils coquins et ses bouffons énormes, comme il a ses princes, ses vierges, ses saintes héroïques et ses saints. Il est riche de toute élite et de toute plèbe. La condition sociale n’y est presque pour rien. Que ce génie m’est intime ! Que ce sens de la valeur me touche !

C’est le monde de la conscience profonde. Les passions y paraissent frénétiques, parce qu’elles résistent à être nues ; convulsives, parce qu’elles sont peu à peu dépouillées de tout ce qui les habille. Dostoïevski sait bien que la simplicité n’est pas dans les objets ; mais seulement dans l’œil qui les examine. La vie la plus simple est en soi un prodige de complexe. La simplicité n’est que le sommeil de l’apparence.

Un monde, où les sentiments sont portés au dernier degré de l’acuité et de l’ardeur, semble l’enfer de la souffrance et le paradis des fous. Là, où tout est intense, tout est excès. La règle ordinaire est abolie. L’ordre commun est l’ordre moyen. Et le moyen est l’espace du médiocre.

La mesure, telle quelle, est un élément de la vie ordinaire. La mesure, en art, paraît la vérité, comme la moyenne des statistiques. La mesure varie avec les grandeurs que l’on compare. Elle n’est pas la même pour les hôtes de l’Olympe et pour les captifs de l’Érèbe ; ni surtout pour ceux-là et pour les petites âmes de métier, dont la conscience vit en boutique. Âmes de métier, elles font nombre, comme les fourmis. Elles nourrissent les moyennes. Mais, à le bien prendre, la moyenne est fausse comme toute statistique morale. Car, chiffres et mesure ne révèlent que le monde de la quantité. La qualité est la règle suprême, ainsi que le