Page:Cahiers de la quinzaine, série 13, cahier 8, 1911.djvu/49

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lieu de tous les sentiments et de tous les actes en relation avec la conscience.

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Le monde de la profonde conscience fait figure du rêve ; et même de la folie, quand il arrive, avec Dostoïevski, que les êtres vivants épient l’écho de leur propre chant, pour y donner un écho plus lointain encore ; quand ils font l’analyse de leurs passions, eux-mêmes, et qu’enfin ils ont conscience de leur conscience.

Dans Stendhal, cette merveilleuse analyse étant tout intellectuelle, même si le héros se prête l’oreille, on voit toujours, derrière lui, le plus intelligent des hommes qui est là, et qui écoute. Tout est clair ; tout est ordre ; tout est esprit. Chez Dostoïevski, ce sont les passions qui se passionnent et se dévorent à se poursuivre elles-mêmes, à se contempler et à se ressentir. Tout prend, dès lors, le caractère du rêve, ou de la folie. Mais ce monde de folie est la sphère d’une réalité suprême. La folie est le rêve d’un seul. La raison est sans doute la folie de tous. Ici, la grandeur de Dostoïevski se fait connaître : il est dans le rêve de la conscience, comme Shakspeare même, et Shakspeare seul, avec le seul Rembrandt. Tels sont les sommets de la conscience et de l’analyse, pareils aux plus hautes montagnes de la terre, en ce qu’ils bordent, comme elles, le rivage des plus grandes profondeurs. Sommets qui ne cachent pas deux ou trois autres cimes, entre lesquelles Dostoïevski.

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Nulle puissance plus proche de la vie. Les grands rêveurs sont les grands vivants. Où ils semblent s’éloi-