Page:Cahiers de la quinzaine, série 13, cahier 8, 1911.djvu/50

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gner le plus de la vie, ils y touchent encore de plus près que les autres.

Tout est intérieur. Ce n’est même pas la pensée qui crée le monde, en le figurant. C’est l’émotion qui suscite toute vie, en la rendant sensible au cœur. Le monde n’est même plus l’image d’un esprit. L’univers est la création de l’intuition.

L’émotion créatrice est la seule et véritable connaissance. Comme elle naît à soi-même, elle fait naître les objets. Et tout est son rêve, comme elle se rêve. Le cœur est le moyen, et il est le lieu.

Voilà le nouvel art. Voilà, du moins l’art que je veux, celui que je cherche et celui que notre effort prépare, si le ciel y consent. L’art intérieur, qui manifeste toutes les splendeurs de la nature et de l’action, en les absorbant toutes : du dedans au dehors. Et tout ce qui est du dehors même, est au dedans.

Tel est cet art dont les prophètes me sont si chers dans le passé, et qui furent toujours si rares. Mais par ce qu’ils furent en vérité, ils sont.

Je dirai plus, pour être compris de ceux qui sont déjà de l’ère nouvelle, et pour ne l’être pas des autres. Ce qui était le propre de la musique, jusqu’ici, sans le vouloir même, nous le faisons passer, selon les moyens de la pensée, et du langage, dans la poésie. Ils croiront qu’il s’agit d’harmonie imitative, de timbres et de sonnailles dans les mots, d’allitérations et d’autres fadaises ; toutes habiletés de métier, qui doivent toujours s’effacer de l’art, quand elles y entrent ; et qui ne cessent d’être vaines qu’à la condition de n’en pas être vain. C’est une autre musique et moins vulgaire que je pense, dont l’harmonie matérielle n’est que l’enveloppe. Plonger