Page:Cahiers de la quinzaine, série 13, cahier 8, 1911.djvu/79

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Dostoïevski ne se cache pas pour pleurer. Il ne rougit pas de mendier. Il ne donne pas tant de valeur à l’argent. Il n’a pas tant de respect pour l’or, ni pour celui qu’il n’a pas, ni pour celui des autres. Il ne cède rien de son Dieu ; il ne trahit jamais ce que son Dieu exige de lui ; et voilà le véritable honneur. La Yancaille a peut-être le sien, après tout : le dollar et le bain froid.

Mais plutôt, Dostoïevski subit l’avanie que la turque fortune fait sans cesse à la misère. Sa constance est héroïque : pour servir son Dieu, il est le plus humble des hommes. Il consent à prier, à solliciter, à recevoir l’aumône. Comme il ne se dérobe à aucune charge, il ne recule devant aucune humiliation. Lui, qui avait tant d’orgueil, et beaucoup d’amour-propre, cette peau enflammée de l’orgueil malade, il se met à genoux, en chemise, autant de fois qu’il faut. Il supplie, il baise la main qui donne. Et pourtant, donner à un tel homme, c’est toujours lui donner le fouet. Il le reçoit avec douceur ; il accepte toute sorte de bienfaits sanglants.

Il faudrait être bien bas pour le lui reprocher. Il a l’amour de la perfection : telle est la main qui le courbe. Travaillé par tant de maux, il sacrifie sa dignité selon le monde à sa mission selon l’esprit. Il ne serait pas le plus russe des Russes, s’il ne croyait à sa mission. Plus il accepte, moins il reçoit pour lui. Il s’inquiète d’être toujours en retard avec ses éditeurs ; mais il n’a pas honte d’être toujours en dette avec ses amis. El s’il en souffre, il y trouve une occasion de servir encore.

C’est qu’il n’arrive jamais à se satisfaire. Celui qu’on prend pour un Barbare, aime la perfection comme un artiste de France ou d’Athènes. Il se laisse abaisser