Page:Cahiers de la quinzaine, série 13, cahier 8, 1911.djvu/90

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vérité secrète, qui est l’unique vérité, sans doute. Là, il s’est établi inébranlablement au-dessus de tous les préjugés ; et ceux de la raison n’ont pas tenu devant lui plus que ceux de la morale et de la politique.

Le grand Dostoïevski a montré, le premier, que la fin de la vie est la vie même. Mais il a été plus loin : il a connu, profondément, que la vie elle-même est une forme vide sans le cœur qui l’anime, et ainsi que l’amour est la fin de cette fin unique. Qu’est-ce donc, sinon que l’homme est fait pour se toujours passer soi-même ? L’homme n’est point une figure achevée, mais un élan à la forme parfaite, un essai continuel à l’homme. Je trouve cette vertu héroïque dans Dostoïevski, et cette grandeur intérieure.

§

L’intuition est une vue du cœur dans les ténèbres. La nuit extérieure s’illumine de l’éclair jailli du dedans. C’est là que rien ne se formule, et tout s’éclaire : là où la vie prend forme, où les mobiles se condensent, où se détermine l’action.

L’intuition est bien le luminaire de la profondeur. Elle est la conscience amoureuse de ce qui est, au fond de ce qui paraît être. Elle est ce qui demeure en ce qui devient, et qu’elle porte. Elle est vraiment l’instinct de la connaissance, et son amour.

En Dostoïevski, je finis par tout référer à l’intuition. Dostoïevski a conscience de son intuition, et tel est son miracle. Il faut le lire en musicien.

La chasteté n’est que le signe le plus visible des