Page:Cahiers de la quinzaine, série 13, cahier 8, 1911.djvu/93

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qué la couronne promise à l’amour errant. Il est entré au port de la recherche idéale.

La réalité ! font-ils ; la réalité ! Hé, oui ! Nous savons, nous aussi, qu’il n’y a point d’arbre sans le sol qui le porte, sans fumier ou sans terre. Mais s’il ne quittait jamais le sol, s’il n’était pas ce qui s’évade du fumier et ce qui sort de la terre, l’arbre ne serait pas l’arbre ; et sa racine même pourrirait.

Les grands Français ont toute la force dans l’esprit. La plupart, ils n’ont pas la profondeur, qui est si naturelle aux âmes religieuses. Ils ne l’ont plus, du moins. Car, ils l’eurent, ceux qui ont dressé les cathédrales sous le ciel. Le grand Flaubert m’y fait penser, ce prince de néant. Il est sec, et il sème les cendres. De là, les sables et les salins cuisants de son œuvre : toutes les lignes sont belles, et l’on y respire à peine, dans un vent d’éternel ennui. Flaubert est un génie mortuaire. S’il a du cœur, comme je crois, il n’en a pas pour la vie. Et tout ce qu’il en a, d’ailleurs, il l’étouffe : il tâche à être sans amour, comme le monde de son intelligence ; et il y réussit.

L’amour de Dieu, ou la charité que je veux dire, quel nom qu’on y donne, implique toutes les autres amours. C’est l’amour de Dieu que Dostoïevski respire. Et le peuple russe avec lui. On doit avoir foi au peuple russe, sur la foi de Dostoïevski.

Dostoïevski, victime des puissances, parle pour les puissances : la tyrannie, la police, l’église, les riches. À ses yeux, tout le mal qu’elles peuvent faire, est compensé, de bien loin, par l’action qu’elles ont sur l’âme humaine : elles en provoquent l’excellence, en y prodiguant la douleur. S’il finit par les défendre, ces