Page:Cahiers de la quinzaine, série 9, cahier 1, 1907.djvu/123

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nation, une race, un homme qui obtient d’avoir de la puissance temporelle, une fortune temporelle, une histoire temporelle s’en aperçoit aussitôt, voyons. Ces gars-là n’étaient pas si bêtes. Ils savaient très bien, ils savaient parfaitement quand ils posaient, au moment même qu’ils posaient leur pied dans la poussière ou dans la boue des routes, que nulle poussière jamais n’effacerait, que nulle boue jamais ne détremperait, que nul autre souvenir, que nulle autre trace jamais n’abolirait la trace de leur pas, qu’ils créaient une trace indélébile, que le bruit de leurs pas s’entendrait toujours dans l’histoire des bruits de l’histoire, que le tracé se lirait toujours, que la trace de leurs pas se verrait temporellement toujours dans la mémoire du monde.

Et la France aussi, parbleu, tout entière elle savait bien qu’elle faisait la Révolution.

Tout un peuple le sentait. Le savait.

Quand des armées, quand une (seule) armée, quand des hommes, quand tout un peuple, une nation, quand toute une race, quand un homme obtient ainsi de frapper un événement temporel, généralement il s’en aperçoit, il en est saisi, en connaissance de cause, instantanément, historiquement instantanément. Tous ces gars-là savaient très bien ce qu’ils faisaient. Je veux dire avec une instantanéité historique, dans une instantanéité historique, le peu de temps qu’il faut à un peuple, de durée, historique, le peu de temps qu’il faut à une vague, historique, de connaissance, de conscience, pour pénétrer, historiquement, tout un (tel) peuple.

Ne les plaignons donc pas ; envions-les plutôt. Non seulement ils étaient heureux, mais ils savaient qu’ils étaient heureux. Non seulement ils avaient obtenu, ils