Page:Cahiers de la quinzaine, série 9, cahier 1, 1907.djvu/126

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Surtout sans se plaindre. Sans gémir et sans geindre. Le héros temporel joue son temps. Il n’a aucune raison, aucune envie, aucune idée, aucune image même de geindre et ne geint pas. Il ne geint pas parce que dans le mode il n’a aucun sentiment, aucun soupçon de peiner d’aucune sorte. Il ne geint pas parce que dans l’événement il n’a aucun sentiment, aucun soupçon de tenir à l’événement, à l’issue, au résultat, à la réussite au point de geindre et de se plaindre d’un autre événement. Mauvais joueur qui veut gagner. Mauvais joueur temporel. Ce qu’il faut à ces grands joueurs, c’est de jouer. C’est d’abord, c’est uniquement de jouer.

Le jeu seul est essentiel à ces grands joueurs. Le seul jeu les intéresse. Ils aiment infiniment mieux jouer sans gagner, qu’ils n’aimeraient de gagner sans jouer.

Ce que je dis là, tout ce que nous venons de dire est totalement vrai des peuples ; d’une nation, d’un peuple, d’une armée, d’une race. C’est peut-être un peu moins vrai du pauvre homme isolé, parce que l’individu est toujours plus ingrat, ne rend pas autant, parce qu’un homme ne vaut pas un peuple, jamais, parce qu’un homme, dans le temporel, n’exprime pas autant, ne (re)présente pas autant, ne pèse, ne vaut pas autant.

Un homme, quoi qu’il y paraisse, rend moins, rend toujours moins qu’un peuple, que son peuple.

La vie d’héroïsme, pour qui n’emploie pas ce mot dans un vague sens de littérature, est infiniment, (temporellement) infiniment une opération de joie. Ne les plaignons donc pas. Envions-les plutôt. Quand ils ne se plaignaient pas, ne les plaignons pas, pour eux, ne leur faisons pas l’injure de les plaindre, pour eux. Quand