Page:Cahiers de la quinzaine, série 9, cahier 1, 1907.djvu/127

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ils ne geignaient pas, ne geignons pas, pour eux, sur eux. Ne leur faisons pas cet outrage.

D’autant qu’il n’échappe pas que geindre sur eux serait déjà une manière, traîtresse, de les faire geindre.

Pleurer, gémir est également lâche. Je réserve prier, j’ôte prier, qui n’a peut-être pas été toujours ce que Vigny pensait. C’est même pour cela que ce vers est hétérogène, que les trois (infinitifs) sujets ne marchent pas (bien) ensemble. Et qu’on ne se rappelle jamais où est prier, dans les trois, ni même où sont les deux autres entre eux. Prier, pleurer, gémir ; pleurer, prier, gémir : il y a malheureusement six combinaisons (voir formules).

a (a-1)

Prier est d’un autre ordre que les deux autres. Prier n’est sans doute pas ce que Vigny s’était ce jour-là représenté. Ni aucun autre jour. Même, en poussant plus loin l’analyse, on découvrirait assez rapidement que les deux autres termes se dessoudent eux-mêmes l’un de l’autre ; que pleurer se dessoude de gémir ; ou plutôt, poussant encore un peu plus loin l’analyse, entrant dans l’analyse élémentaire, dans l’analyse du mot, dans l’analyse verbale, que pleurer lui-même se coupe en deux, s’analyse en deux, se dessoude de lui-même, qu’il y a un pleurer qui redescend vers gémir, vers geindre et se plaindre, mais qu’il y a un pleurer qui remonte vers prier. (Saint Louis, le don des larmes)

De même que (se) lamenter, lamentation est tout autre chose.

Les plaindre serait une manière artificieuse de les faire se plaindre. Par la réverbération de la mémoire.