Page:Cahiers de la quinzaine, série 9, cahier 1, 1907.djvu/75

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cette cause et à cette condition, qu’elle est de la musique exactement religieuse. De la musique de génie créée et mise au monde par un certain nombre de très bons chrétiens dont Rolland vous dirait les noms successifs autant que vous en voudrez.

Il y a là un véritable abus, parfaitement caractérisé, une véritable duplicité, enfin tout ce que notre maître M. Maurice Bouchor, quand il était ivre, — ivre de musique, certes, c’est la seule ivresse qu’on lui ait jamais connue, — nommait ingénuement un détournement de mineure. On prend une musique vraiment, proprement religieuse, nommément chrétienne, faite par de très bons chrétiens, et on la transporte comme ça, dans des fourgons militaires, dirai-je qu’on la transporte dans un Panthéon désaffecté ? non point pour y être un ornement, plus ou moins superflu, surajouté, plus ou moins supplémentaire, mais, tout le monde le sent bien, pour en faire le cœur même et la substance de la cérémonie.

Pour être tout ce qui compte dans la cérémonie.

Et après (ou avant), le lendemain (ou la veille), on rencontre des gens qui vous disent : J’ai été (ou j’irai) à tel enterrement (ou à tel mariage) ; on y a fait (ou on y fera) de la bien belle musique. Je ne sais pas comment cela se fait, je n’ai peut-être pas l’âme assez moderne, mais je suis choqué par de tels propos. Il me semble qu’autrefois un mariage, un enterrement, valaient en eux-mêmes et par eux-mêmes. Qu’ils avaient un sens. Qu’ils n’étaient pas seulement un prétexte. Un thé.

Et ce n’est pas parce que je ne suis pas musicien que je suis froissé. Au contraire. Si j’étais musicien je serais froissé en outre et au contraire de la part de la musique.