Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 5-6, 1912.djvu/8

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

à son apogée, en lui faisant embrasser tout le domaine de l’économie. Mais comme à la lumière de ces quelques lignes de Proudhon tout s’éclaire, et comme l’on comprend l’affinité, qui pourrait paraître étrange à des yeux superficiels, du socialisme d’État, de la démocratie bourgeoise et de la ploutocratie ! Corradini fait remarquer la collusion Jaurès-Poincaré dans les circonstances actuelles ; mais Jaurès est précisément l’homme qui incarne le mieux, dans le socialisme, les tendances étatistes ; Jaurès, dont l’âme est essentiellement bourgeoise et gouvernementale ; Jaurès, dont le pacifisme est si notoire qu’il se fait, sans broncher, traiter journellement de lâche par Léon Daudet : Jaurès, comme socialiste, ne s’est jamais rattaché ni à Marx, ni à Proudhon ; son vrai maître a toujours été Saint-Simon. Or, on sait que le système saint-simonien est un système de forte centralisation bureaucratique, destiné à mettre en valeur les hautes capacités bourgeoises et qui convient admirablement à une bourgeoisie devenue entièrement pacifiste et préférant les douceurs d’une grasse paix administrative aux luttes, aux risques et aux aventures de la libre concurrence. Et l’on sait, d’autre part, comment, sous le second Empire, ont fini tous les saint-simoniens : en bancocrates.

La chose est donc bien claire, et le pacifisme bourgeois moderne, auquel fait chorus le pacifisme socialiste, dans la mesure précisément où le socialisme reste tout pénétré d’esprit bourgeois et gouvernemental, bien élucidé. Mais comment expliquer, par contre, l’attitude des syndicalistes révolutionnaires, qui prétendent réagir précisément contre l’étatisme en général et l’étatisme socialiste en particulier, incarnés dans Jaurès et le socialisme parlementaire ? Comment, eux aussi, emboîtent-ils le pas à la ploutocratie derrière Jaurès ?