Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/10

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de ne point oublier, la première fois que je le rencontrerais, de lui en parler sous prétexte d’intérêt pour lui ; je le vis peu de jours après, et lui ayant parlé de son collier, il me dit qu’il était bien heureux, qu’il avait vendu cet objet à Constantinople pour la sultane favorite. Je rendis cette réponse à la reine qui en fut charmée, mais qui ne concevait pas qu’on achetât à Paris des diamans pour le grand-seigneur.

Depuis long-temps la reine évitait de voir Bœhmer dont elle craignait la tête exaltée, et son valet de chambre joaillier était seul chargé des réparations à faire à ses parures. À l’époque du baptême de monseigneur le duc d’Angoulême, le roi lui fit présent d’une épaulette et de boucles de diamans, et fit donner à Bœhmer l’ordre de remettre ces objets à la reine ; il les lui présenta à l’heure où Sa Majesté revenait de la messe, et lui remit en même temps une lettre en forme de placet. Il disait à la reine, dans cet écrit, « qu’il était heureux de la voir en possession des plus beaux diamans connus en Europe, et qu’il la priait de ne point l’oublier. » La reine lut tout haut ce que lui avait écrit Bœhmer, et n’y vit qu’une preuve d’aliénation d’esprit, ne concevant pas comment il lui faisait compliment sur la beauté de ses diamans et lui écrivait pour la prier de ne pas l’oublier ; elle brûla ce papier à une bougie qui se trouvait allumée, ayant quelques lettres à cacheter, et dit : « Cela ne vaut pas la peine d’être gardé. » Elle a depuis beaucoup regretté ce