Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/137

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congé de madame Victoire. Je ne croyais pas voir, pour la dernière fois de ma vie, cette auguste et vertueuse protectrice de ma première jeunesse. Elle me reçut seule dans ses cabinets, et m’assura qu’elle espérait, autant qu’elle le désirait, rentrer bientôt en France ; que les Français seraient trop à plaindre,

    elles prirent, l’une et l’autre, un arrêté par lequel elles s’en remettaient entièrement à ce général pour l’exécution de celui du département ; mais, afin de lever les doutes sur leurs propres sentimens pour Mesdames, ces deux municipalités relatèrent la disposition qui prescrivait de ne permettre aucune fouille dans le château ni dans les dépendances.

    » Les postes furent relevés avec assez de tranquillité ; mais, lorsqu’il fallut faire partir les voitures, les murmures éclatèrent, et la résistance fut excessive. Une partie de la force armée et des groupes non armés déclarèrent que Mesdames ne partiraient pas, et proférèrent contre ces princesses d’horribles imprécations. Un sapeur de la garde nationale de Sèvres, un officier de la même garde et un officier de chasseurs de la première division se distinguèrent par une désobéissance formelle et opiniâtre ; plusieurs canonniers, au lieu d’en imposer en restant à leurs pièces, coupèrent les traits d’une des voitures. Telle était l’impuissance des lois, que le général Berthier, quoique investi de tous les pouvoirs par des actes réitérés du département et des municipalités de Versailles et de Meudon, ne put faire partir les équipages. Cet officier, plein d’honneur et doué du plus grand courage, fut enfermé dans les cours de Bellevue par sa propre troupe ; il courut risque d’être égorgé. Ce ne fut que le 14 mars qu’il put parvenir à faire exécuter la loi. Et l’on verra, plus bas, quels obstacles il eut à vaincre, à quels dangers il fut exposé. Il dut son salut à son sang-froid, et sut éviter le carnage qu’il eût pu faire des factieux. (Voyez la note de la page suivante et les éclaircissemens indiqués sous la lettre (H). (Mémoires de Mesdames, par Montigny, tome I.)

    (Note de l’édit.)