Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/15

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cet homme m’avait dit, et que je croyais ne pas devoir lui taire, quelque peine que j’éprouvasse à l’entretenir de semblables infamies. Elle me fit répéter plusieurs fois la totalité de l’entretien que j’avais eu avec Bœhmer, se récria vivement sur la peine infinie que lui faisait la circulation de faux billets signés de son nom ; mais ne concevait pas comment le cardinal se trouvait mêlé dans cette affaire ; c’était un dédale pour elle ; son esprit s’y perdait. Elle envoya à l’instant chercher l’abbé de Vermond et le baron de Breteuil. Bœhmer ne m’avait pas dit un mot de la femme de Lamotte, et son nom fut prononcé, pour la première fois, par M. le cardinal, à l’interrogatoire qu’il subit chez le roi.

Pendant plusieurs jours la reine concerta, avec le baron et l’abbé, ce qu’il convenait de faire dans cette circonstance. Malheureusement, une ancienne et implacable haine contre le cardinal, faisait de ces deux conseillers les hommes les plus propres à égarer Sa Majesté dans le parti qu’elle avait à prendre. Ils virent uniquement leur ennemi perdu à la cour, et flétri aux yeux de l’Europe entière, et ne jugèrent pas avec quels ménagemens il fallait traiter une affaire aussi délicate. Si M. le comte de Vergennes eût été appelé par la reine, pour lui donner ses avis, son expérience des choses et des hommes lui eût fait juger, dès le premier moment, qu’il fallait étouffer une intrigue d’escroquerie dans laquelle l’auguste nom de Marie-Antoinette se trouvait compromis.