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une maison civile, semblable au jeune Achille parmi les filles de Lycomède, vous saisissez avec empressement le sabre pour dédaigner de simples ornemens. » La reine persista à ne pas vouloir de maison civile. « Si cette maison constitutionnelle était formée, disait-elle, il ne resterait pas un noble près de nous ; et quand les choses changeraient, il faudrait congédier les gens que nous aurions admis à leur place. »

« Peut-être, ajouta-t-elle, peut-être un jour aurais-je sauvé la noblesse, si j’avais eu quelque temps le courage de l’affliger ; je ne l’ai point. Quand on obtient de nous une démarche qui la blesse, je suis boudée ; personne ne vient à mon jeu ; le coucher du roi est solitaire. On ne veut pas juger les nécessités politiques : on nous punit de nos malheurs[1]. »

  1. L’opinion de Barnave et de ses amis était alors partagée par la majorité des ministres : Bertrand de Molleville, qui l’était alors, en convient lui-même dans ses Mémoires. On y lit ce qui suit :

    « La formation de la maison civile du roi et de la reine, dont les ministres avaient abandonné le projet, à raison de la difficulté qu’ils avaient trouvée à remplir, à cet égard, la tâche que le roi avait imposée à chacun d’eux, leur parut alors une mesure d’une extrême importance, surtout si, comme on s’en flattait, on pouvait déterminer Leurs Majestés à n’y admettre que des personnes d’un patriotisme bien connu. En conséquence, le comité des ministres reprit cette affaire, et quelques-uns d’entre eux proposèrent des plans et des listes. J’en instruisis