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M. de Crosne, lieutenant de police, eût reçu de M. le baron de Breteuil l’ordre de mettre les scellés sur

    constances, explique de la manière suivante la conduite de l’officier, et le trouble qu’il éprouva.

    « Le sous-lieutenant, réprimandé d’avoir laissé écrire le cardinal, répondit que ses ordres ne lui prescrivaient pas de l’en empêcher ; que d’ailleurs il avait été si troublé de l’apostrophe inusitée de M. le baron de Breteuil : Monsieur, de la part du Roi, suivez-moi ; qu’il n’en était pas encore revenu, et qu’il ne savait trop ce qu’il faisait. Cette excuse n’était guère bonne, quoiqu’il fût vrai que cet officier, très-dérangé dans sa conduite, avait beaucoup de dettes, et qu’il craignît d’abord que l’ordre que lui intimait le baron ne le regardât personnellement. »

    L’abbé Georgel raconte la circonstance du billet d’une façon toute différente.

    « Le cardinal, dans ce terrible moment qui aurait dû bouleverser tous ses sens, donna une preuve bien étonnante de sa présence d’esprit : malgré l’escorte qui l’environnait, et à la faveur de la foule qui suivait, il s’arrêta, et se baissant, le visage tourné vers le mur, comme pour remettre sa boucle ou sa jarretière, il saisit rapidement son crayon, et traça à la hâte quelques mots sur un chiffon de papier placé sous sa main dans son bonnet carré rouge. Il se relève et continue son chemin. En rentrant chez lui, ses gens formaient une haie ; il glisse, sans qu’on s’en aperçoive, ce chiffon dans la main d’un valet de chambre de confiance, qui l’attendait sur la porte de son appartement. » Cette petite histoire est peu vraisemblable : ce n’est pas au moment de son arrestation, quand une foule curieuse l’entoure et l’observe, qu’un prisonnier peut s’arrêter et tracer des mots mystérieux. Quoi qu’il en soit, le valet de chambre accourt à bride abattue pour se rendre à Paris. Il arrive au palais cardinal entre midi et une heure ; son cheval tombe mort à l’écurie. « J’étais dans mon appartement, dit l’abbé Georgel ;