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correspondances particulières qui pouvaient entraver le plan qui lui était tracé : il se défiait de la sincérité de Sa Majesté sur cet article, et malheureusement ce qui entraînait le plus rapidement la cour vers sa perte, était la diversité des conseils, et la nécessité de condescendre d’un côté à une partie des vues des constitutionnels, de l’autre à celles des princes français et même des cours étrangères.

La reine aurait voulu pouvoir montrer à Barnave la lettre de condoléance qu’elle écrivait à François II. Cette lettre devait être communiquée à son triumvirat (c’est ainsi qu’elle désignait quelquefois les trois députés que j’ai nommés). Elle ne voulait pas qu’il s’y trouvât un seul mot qui, en contrariant leurs plans, empêchât sa lettre de partir ; elle craignait aussi d’y insérer quelque chose de contraire à ses sentimens secrets que l’empereur pouvait connaître par d’autres voies. « Mettez-vous à cette table, me dit-elle, et faites-moi un brouillon ; insistez sur ce que je vois en mon neveu l’élève de Joseph. Si votre lettre est mieux que les miennes, vous me la dicterez. » Je l’écrivis ; elle en fit la lecture et me dit : « C’est cela même, la chose me touchait de trop près pour que j’eusse pu saisir le juste degré que vous y avez mis. »

Le parti des princes, ayant été instruit du rapprochement des débris du parti constitutionnel avec la reine, en fut très-alarmé. De son côté, la reine redoutait toujours le parti des princes et les