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résistait aux coups de stylet, et plusieurs balles s’y amortirent. Lorsque l’ouvrage commandé fut terminé, la difficulté fut de le faire essayer au roi sans concourir le risque d’être surpris. Je portai cet énorme et pesant gilet, en jupe de dessous, pendant trois jours, sans pouvoir rencontrer le moment favorable. Enfin, le roi put un matin, dans la chambre de la reine, ôter son habit et essayer le plastron[1].

La reine était couchée ; le roi me tirait doucement par ma robe, et m’éloignait le plus qu’il pouvait du lit de la reine, pour me dire très-bas : « C’est pour la satisfaire que je consens à cette importunité ; ils ne m’assassineront pas, leur plan est changé ; ils me feront mourir autrement. » La reine vit que le roi me parlait bas, et, quand il fut sorti, elle me demanda ce qu’il avait dit. J’hésitais à répondre ; elle insista en disant qu’il fallait ne lui rien cacher, qu’elle était résignée sur tout. Quand elle eut connaissance de la réflexion du roi, elle me dit qu’elle l’avait devinée ; que depuis long-temps il lui avait dit que tout ce qui se passait en France était une imitation de la révolution d’Angleterre, sous Charles Ier, et qu’il lisait sans cesse l’histoire de cet infortuné monarque, pour se conduire mieux qu’il ne l’avait fait dans

  1. M. Gentil, premier valet de garde-robe, m’aida à faire essayer ce gilet qui servit au roi le 14 juillet 1792 ; mais M. de Parois en fit faire un second quelques jours avant le 10 août.
    (Note de madame Campan.)