Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de l’armée de La Fayette au parti du roi, de sauver la famille royale et de la conduire à Rouen. Je n’ai pas connu les détails de ce plan ; la reine me dit seulement, à ce sujet, « qu’on leur offrait M. de La Fayette comme ressource ; mais qu’il valait mieux périr que de devoir son salut à l’homme qui leur avait fait le plus de mal, et de se mettre dans la nécessité de traiter avec lui. »

Je passai le mois de juillet entier sans entrer dans mon lit ; je redoutais quelque attaque ou quelque entreprise de nuit. Il y en eut une contre les jours de la reine, qui n’a jamais été connue. À une heure du matin, j’étais seule auprès de son lit ; nous entendîmes marcher doucement dans le corridor qui régnait le long de son appartement, et qui était alors fermé à clef aux deux extrémités. Je sortis pour aller chercher le valet de chambre ; il entra dans le corridor, et nous entendîmes bientôt, la reine et moi, le bruit de deux hommes qui se battaient. Cette malheureuse princesse me tenait serrée dans ses bras, et me disait : « Quelle position ! des outrages le jour, des assassins la nuit ! » Le valet de chambre lui cria du corridor : « Madame, c’est un scélérat que je connais, je le tiens. — Lâchez-le, lui répondit la reine ; ouvrez-lui la porte ; il venait pour m’assassiner, il serait demain porté en triomphe par les jacobins. » Cet homme était un garçon de toilette du roi, qui avait pris la clef du corridor dans la poche de Sa Majesté après son coucher, et sans doute dans le dessein de commettre