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La princesse avait sur son écritoire les noms de tous les individus qui composaient la chambre de la reine. Elle me demanda des notes sur chacun de ces noms. Dans un semblable moment, l’honneur et le devoir viennent effacer jusqu’au souvenir des haines dont on a été l’objet. J’eus le bonheur de n’avoir que les notes les plus favorables à donner. Il y en eut une qui concernait mon ennemie déclarée dans la chambre de la reine, celle qui aurait le plus désiré que je fusse responsable des opinions politiques de mon frère. La princesse, comme chef de la chambre, ne pouvait ignorer ces détails ; mais comme cette femme, qui adorait le roi et la reine, n’aurait pas balancé à sacrifier sa vie pour conserver leurs jours, et que peut-être son attachement joint à une grande médiocrité d’esprit et à une éducation bornée, contribuait à sa jalousie contre moi, j’en fis le plus grand éloge.

La princesse écrivait sous ma dictée et me regardait de temps en temps avec étonnement. Quand j’eus fini, je lui dis que je suppliais Son Altesse d’écrire à mi-marge, que cette dame était mon ennemie déclarée. Elle m’embrassa en me disant : « Ah ! l’écrire ; on ne doit pas écrire une injustice qu’il faut oublier. » Nous en vînmes à un homme d’esprit qui était très-attaché à la reine ; et je le lui peignis comme né uniquement pour la dispute, et se montrant, par esprit de contradiction, aristocrate avec les démocrates, démocrate avec les aristocrates, mais homme de bien et attaché à son sou-