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Enfin cette terrible nuit du 10 août arriva. La veille, Pétion était venu prévenir l’Assemblée qu’une grande insurrection se préparait pour le lendemain ; que le tocsin sonnerait à minuit, et qu’il craignait de n’avoir pas les moyens de résister à l’événement qui se préparait. Sur cet avertissement l’Assemblée passa à l’ordre du jour. Cependant Pétion donna l’ordre de repousser la force par la force. M. Mandat était pourvu de cet ordre, et, voyant sa fidélité pour la personne du roi appuyée par ce qu’il regardait comme la loi de l’État, il marchait, dans toutes ses opérations, avec le plus grand dévouement. Le 9 au soir, j’assistais au souper du roi. Pendant que Sa Majesté me donnait divers ordres, nous entendîmes un grand bruit à la porte de l’appartement. Je m’y rendis pour savoir ce qui en était la cause, et je vis les deux sentinelles aux prises. L’un disait, en parlant du roi, qu’il était dans la constitution et qu’il le défendrait au péril de sa vie ; l’autre soutenait qu’il entravait la seule constitution qui convenait à un peuple libre ; ils étaient près de s’égorger. Je revins, ayant les traits fort altérés. Le roi voulut savoir ce qui se passait à sa porte ; je ne pus le cacher. La reine dit qu’elle n’en était pas surprise, que plus de la moitié de la garde était du parti des jacobins.

À minuit, le tocsin sonna. Les Suisses étaient rangés comme de véritables murailles, et, dans ce silence militaire qui contrastait avec la rumeur perpétuelle