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de la garde bourgeoise, le roi fit connaître à M. de J***, officier de l’état-major, le plan de défense que le général Vioménil avait préparé. M. de J*** me dit après cette conférence particulière : « Mettez dans vos poches vos bijoux et votre argent ; nos dangers sont inévitables ; les moyens de défense sont nuls ; ils ne pourraient se trouver que dans la vigueur du roi, et c’est la seule vertu qui lui manque. »

À une heure après minuit, la reine et madame Élisabeth dirent qu’elles allaient se coucher sur un canapé dans un cabinet des entresols dont les fenêtres donnaient sur la cour des Tuileries.

La reine me dit que le roi venait de lui refuser de passer son gilet plastronné ; qu’il y avait consenti le 14 juillet, parce qu’il allait simplement à une cérémonie où l’on pouvait craindre le fer d’un assassin ; mais que, dans un jour où son parti pouvait se battre contre les révolutionnaires, il trouvait de la lâcheté à préserver ses jours par un semblable moyen.

Pendant ce temps, madame Élisabeth se dégageait de quelques vêtemens qui la gênaient pour se coucher sur le canapé ; elle avait ôté de son fichu une épingle de cornaline ; et, avant de la poser sur la table, elle me la montra et me dit de lire une légende qui y était gravée autour d’une tige de lis. J’y lus ces mots : Oubli des offenses, pardon des injures. « Je crains bien, ajouta cette vertueuse princesse, que cette maxime ait peu d’influence parmi