Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/246

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nos ennemis, mais elle ne doit pas nous en être moins chère[1]. »

La reine m’ordonna de m’asseoir auprès d’elle ; les deux princesses ne pouvaient dormir ; elles s’entretenaient douloureusement sur leur situation, lorsqu’un coup de fusil fut tiré dans la cour. Elles quittèrent l’une et l’autre le canapé en disant : « Voilà le premier coup de feu, ce ne sera pas malheureusement le dernier ; montons chez le roi. » La reine me dit de la suivre ; plusieurs de ses femmes vinrent avec moi.

À quatre heures, la reine sortit de la chambre du roi et vint nous dire qu’elle n’espérait plus rien ; que M. Mandat, qui s’était rendu à l’Hôtel-de-Ville, pour avoir de nouveaux ordres, venait d’être assassiné, et que sa tête était promenée dans les rues. Le

  1. Ce bijou précieux ne fut pas repris par la princesse quand elle quitta l’entresol de la reine. En quelles mains est-il tombé ? Il ferait l’ornement du plus riche trésor !

    La grande piété de madame Élisabeth donnait à ses actions et à ses discours une noblesse qui peignait celle de son ame. Le jour où l’on immola cette digne descendante de saint Louis, le bourreau, en lui attachant les mains derrière le dos, releva une des pointes du devant de son fichu. Madame Élisabeth, avec un calme et une voix qui semblait ne pas venir de la terre, lui dit ces mots : « Au nom de la pudeur, couvrez-moi le sein. » J’ai appris ce trait héroïque de madame de Sérilly, condamnée le même jour que la princesse, mais qui obtint un sursis au moment de l’exécution, madame de Montmorin, sa parente, ayant déclaré que sa cousine était grosse.

    (Note de madame Campan.)