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nus celui du vieux vicomte de Broves, auquel la reine, au commencement de la nuit, m’avait envoyée ordonner de sa part, ainsi qu’à un autre vieillard, de se retirer chez eux. Ces braves gens m’avaient priée de dire à Sa Majesté qu’ils n’avaient que trop obéi aux ordres du roi dans toutes les circonstances où il aurait fallu exposer leurs jours pour le sauver ; que cette fois ils n’obéiraient pas, et garderaient seulement le souvenir de la bonté de la reine.

Près de la grille, du côté du pont, les hommes qui me conduisaient me demandèrent où je voulais aller. Sur la question que je leur fis, s’ils étaient les maîtres de me mener où je le désirais, un d’eux, qui était Marseillais, me demanda, en me poussant avec la crosse de son fusil, si je doutais encore de la puissance du peuple ? Je lui répondis que non, et j’indiquai le numéro de la maison de mon beau-frère. Je vis ma sœur, montant les degrés du parapet du pont, environnée de gardes nationaux. Je l’appelai, elle se retourna. « Veux-tu qu’elle vienne avec toi ? » me dirent mes gardiens. Je leur dis que je le désirais ; ils appelèrent les gens qui conduisaient ma sœur en prison ; elle me rejoignit.

Madame de La Roche-Aymon et sa fille, mademoiselle Pauline de Tourzel, madame de Ginestoux, dame de la princesse de Lamballe, les autres femmes de la reine et le vieux comte d’Affry, furent menés ensemble dans les prisons de l’Abbaye.

Notre course, du palais des Tuileries jusque chez ma sœur, fut des plus pénibles. Nous vîmes tuer