Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/262

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jugeaient pas tout ce qu’il y avait de pieux et de grand dans sa résignation, et que cela produisait un si fâcheux effet, que les députés qui lui étaient dévoués l’en avaient fait prévenir ; mais qu’il n’y avait rien à faire à cela.

Je crois voir encore, je verrai toujours cette petite cellule des Feuillans, collée de papier vert, cette misérable couchette d’où cette souveraine détrônée nous tendit les bras, en disant que nos malheurs, dont elle était la cause, aggravaient les siens propres. Là, pour la dernière fois, j’ai vu couler les pleurs, j’ai entendu les sanglots de celle que sa naissance, les dons de la nature, et surtout la bonté de son cœur avaient destinée à faire l’ornement de tous les trônes et le bonheur de tous les peuples ! Il est impossible, quand on a vécu auprès de Louis XVI et de Marie-Antoinette, de n’être pas intimement convaincu, tout en rendant au roi la justice due à ses vertus, que si la reine eût été, dès l’instant de son arrivée en France, l’objet des soins et de la tendresse d’un prince imposant et sévère, elle n’eût fait qu’ajouter à l’éclat de son règne.

Que de choses touchantes j’ai entendu dire à la reine, dans la profonde douleur que lui causait cette injuste prévention d’une partie de la cour et du peuple entier, qu’elle n’aimait pas la France ! Combien cette injustice était révoltante pour ceux qui connaissaient son cœur et ses sentimens ! Deux fois je l’ai vue prête à sortir de son appartement des Tuileries, pour se rendre dans les jardins et parler