Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/263

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à cette foule immense qui ne cessait de s’y rassembler pour l’outrager : « Oui, s’écriait-elle en marchant à pas précipités dans sa chambre, je leur dirai : Français, on a eu la cruauté de vous persuader que je n’aimais pas la France ! moi ! mère d’un dauphin qui doit régner sur ce beau pays ! moi ! que la Providence a placée sur le trône le plus puissant de l’Europe ! Ne suis-je pas de toutes les filles de Marie-Thérèse celle que le sort a le plus favorisée ? Et ne devais-je pas sentir tous ces avantages ? Que trouverais-je à Vienne ? Des tombeaux ! Que perdrais-je en France ? Tout ce qui peut flatter la gloire et la sensibilité. »

Je puis le protester, je n’ai fait que répéter ici ses propres paroles ; mais si, dans cette circonstance, cet élan partit d’abord de son noble cœur, la justesse de son esprit lui fit bientôt sentir les dangers d’une semblable démarche auprès du peuple. « Je ne descendrais du trône, disait-elle, que pour exciter peut-être une sensibilité momentanée que les factieux rendraient bientôt plus funeste qu’utile pour moi. »

Oui, non-seulement Marie-Antoinette aimait la France, mais peu de femmes eurent, plus qu’elle, ce sentiment de fierté que doit inspirer la valeur des Français. J’aurais pu en recueillir un grand nombre de preuves ; je puis du moins citer deux traits qui peignent le plus noble enthousiasme national. La reine me racontait qu’à l’époque du couronnement de l’empereur François II, ce prince,