Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/301

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buvait beaucoup de santés, et le repas était toujours bruyant ; ce qui ne manque pas d’arriver en cette occasion. La musique du régiment avait été invitée ; et l’air pris de la pièce de Richard-Cœur-de-Lion, qui commence ainsi : Ô Richard, ô mon roi ! excita le plus vif enthousiasme. On crut bien faire d’aller chercher la reine pour augmenter l’exaltation. Sa Majesté arriva en effet avec M. le dauphin ; ce qui excita de nouvelles acclamations. Lorsqu’on quitta la salle du festin, quelques soldats, peut-être pris de vin, se présentèrent dans la cour de marbre, au-dessous de l’appartement du roi qui était revenu de la chasse. Des cris de vive le roi se firent entendre, et l’un des soldats, aidé de ses camarades, monta par le dehors jusqu’au balcon de la chambre de Sa Majesté qui ne se montra point. J’étais dans mon cabinet, et j’envoyai savoir d’où venait ce bruit, ce dont on me rendit compte. Au surplus, je n’ai nul motif de croire qu’il soit arrivé que la cocarde nationale ait été foulée aux pieds ; ce qui est d’autant moins vraisemblable, que le roi lui-même la portant alors, c’eût été manquer de respect à Sa Majesté elle-même. Ce fut un mensonge inventé pour échauffer les esprits de la garde nationale parisienne.

M. le comte d’Estaing commandait alors la garde nationale de Versailles. Le roi lui donna de plus le commandement de toutes les troupes réglées qui s’y trouvaient. Elles consistaient dans les deux bataillons du régiment de Flandre, deux cents chas-