Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/312

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temps dans sa chambre pour s’asseoir et se reposer ; il était dans un état de stupeur difficile à imaginer et à peindre. Je m’approchai de lui plusieurs fois, et lui représentai que tout délai à accéder au vœu de ce peuple était inutile et périlleux ; qu’il fallait promettre d’aller à Paris ; que c’était le seul moyen de se débarrasser de ces bandits qui, d’un moment à l’autre, pouvaient se porter aux plus grandes extrémités ; qu’il ne manquait pas de gens pour le leur suggérer. À tout cela le roi ne répondait pas un seul mot. La reine présente me dit : Ah ! monsieur de Saint-Priest, pourquoi ne sommes-nous pas partis hier au soir ! Je ne pus m’empêcher de lui répondre : Ce n’est pas ma faute.Je le sais bien, répliqua-t-elle. Ce propos me prouva qu’elle n’était entrée pour rien dans le changement de résolution de Sa Majesté. Elle se décida enfin, vers onze heures, à promettre d’aller à Paris. On entendit alors quelques cris de vive le roi ! et le peuple commença à évacuer les cours et à reprendre le chemin de la capitale. On avait eu soin d’envoyer de Paris, pendant la nuit, des charretées de pain pour nourrir cette multitude. Je quittai le roi pour le devancer aux Tuileries, et, ayant pris mon chemin par Saint-Cloud, je ne rencontrai aucun obstacle. J’allai dîner chez l’ambassadeur des Deux-Siciles, et me rendis aux Tuileries, pour m’y trouver à l’arrivée de Leurs Majestés. Je ne m’attendais pas à la longueur du temps qu’elles mirent à ce malheureux voyage qui fut un véritable martyre. Leur voiture était précédée