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par les têtes des deux gardes-du-corps assassinés, portées sur des piques. Le carrosse était entouré de gens de sac et de corde, qui regardaient ces personnes royales avec une brutale curiosité. Quelques gardes-du-corps à pied et sans armes, protégés par d’anciens gardes-françaises, suivaient humblement ; et, pour y mettre le comble, après avoir employé six ou sept heures pour faire le chemin de Versailles à Paris, on conduisit Leurs Majestés à l’Hôtel-de-Ville, comme pour y faire amende honorable. Je ne sais qui en donna l’ordre. Le roi monta à l’Hôtel-de-Ville, et dit qu’il venait librement habiter sa capitale. Comme il parlait à voix basse : « Dites-leur donc, reprit la reine, que le roi vient habiter librement sa capitale. — Vous êtes plus heureux que si je l’avais prononcé, dit alors Bailly, puisque la reine elle-même vous a donné cette favorable assurance. C’était un démenti que le fait marquait de reste à Sa Majesté ; jamais elle n’avait agi moins librement. Il était près de dix heures du soir, lorsque le roi arriva aux Tuileries. Je lui dis, lorsqu’il descendit de carrosse, que, si j’avais su qu’il irait à l’Hôtel-de-Ville, j’aurais été l’y attendre. Je ne le savais pas non plus, me répondit le roi tristement.

Dès le lendemain, les gardes-du-corps qui avaient passé la nuit sur des bancs dans le château des Tuileries, furent congédiés. M. de La Fayette fit occuper tous les postes par la garde nationale de Paris qu’il commandait, et il devint ainsi le gardien de la famille royale.